Les requins attisent le racisme anti-zorèy

L’info était passée plutôt inaperçue dans le choc de la nouvelle. Mais les mieux informés se souviennent qu’en 2011 lors des dernières attaques mortelles de requins, un collectif raciste avait sauté sur l’occasion pour dénigrer les zorèy et attiser la haine raciale. « Zorèyland », « colonialistes », « provocateurs de nos requins réunionnais », « juste retour des choses »… tout y était passé, même le plus morbide et déplacé.

Hier encore, la mort d’un surfeur a ravivé ce fléau sociétal dans les chaumières réunionnaises. Preuve que si notre île est un exemple de métissage au monde, elle a encore de la marge pour atteindre le modèle de melting-pot auquel elle aspire. Et s’en voiler la face ne serait pas rendre service aux générations futures.

Les zorèy méritent-ils de mourir ?

La question peut paraître choquante. Mais certains créoles osent la poser en ces termes.

Alors déjà pour être clairs dans cette affaire, notons que les surfeurs ne sont pas tous zorèy. Loin de là. Par conséquent, les victimes de requins ne sont pas non plus toutes zorèy.

Ensuite ceux qui ont un minimum étudié les attaques de ces dernières années savent que la montée de ces agressions coïncide avec l’installation de réserve naturelle et d’aquaculture (culture artificielle de poissons) en pleine zone balnéaire. Ce qui a pour effet d’attirer les squales en nombre et donc les rapprocher dangereusement des baigneurs et surfeurs. Nul besoin d’être Einstein pour comprendre ça…

Les zorèy vivent-ils en communauté ?

Un bon dossier avait été réalisé en 2010 sur ce sujet, par le professeur de journalisme à l’Université de la Réunion Laurent Decloitre. Il concluait à la répartition des métropolitains de la Réunion en deux grandes catégories. Ceux qui effectivement vivent plutôt entre eux et ceux qui se mélangent aux créoles.

Pour expliquer cet effet communautaire, le journaliste avait avancé le fort turn-over des zorèy à la Réunion (30% ne restent pas plus de 5 ans sur l’île, beaucoup étant fonctionnaires). Ce qui les handicaperait pour nouer des relations de fond et de long terme avec les résidents.

Autre explication: la différence culturelle. En effet, si les Réunionnais sont divers et donc de cultures différentes, on peut malgré tout penser que les métropolitains ne rencontrent pas toujours ceux plus proches d’eux en termes de culture. De fait, ils peuvent être amenés à généraliser les Réunionnais à des créoles qu’ils ont rencontrés et trouvés éloignés d’eux en termes de pensée. Cela sur plusieurs sujets comme par exemple: l’esprit d’entreprise, l’éducation non-violente ou tout simplement le parler français…

Ils ont évidemment tort de croire tous les créoles ainsi. Mais les préjugés ont la vie dure et preuve qu’ils marchent donc dans les deux sens.

Les zorèy accaparent-ils toutes les richesses ?

Cela a longtemps été vrai, du fait de l’histoire coloniale de notre île. Les maîtres français disposaient de toutes les terres et asservissaient les esclaves. Ils détenaient alors toutes les richesses et les transmettaient à leurs enfants. Ce qui a donné nos actuels « gros blancs », qui ne sont d’ailleurs plus considérés comme des zorèy mais comme des créoles.

Cette histoire de domination ethnique et de souffrances étant plutôt récente, l’inconscient collectif a gardé cette représentation de hiérarchie violente. Mais dans les faits est-ce toujours la réalité ?

Non bien sûr. Car s’il existe des riches blancs, il y a aussi dorénavant des riches zarab, des riches chinois, des riches malbars, des riches caf, etc. Parallèlement on dénombre de plus en plus de zorèy vivant très modestement, voire dépendant du RSA…

Pourtant cette image du zorèy dominant persiste et il est vrai que leur pouvoir d’achat est supérieur à la moyenne. Ce qui s’explique entre autres par leur surreprésentation dans la fonction publique, qui est surrémunérée. Leur octroyant un revenu supérieur aux 80% de Réunionnais sous le seuil de pauvreté.

Alors que faire face à ces incompréhensions ?

D’un côté une partie des zorèy croit que les créoles sont encore trop traditionnels, de l’autre une partie des créoles croit que les zorèy sont encore trop colonialistes. Ils sont finalement restés dans le schéma du passé, sans voir que des deux côtés on évolue. Que des couples mixtes se marient de plus en plus et donnent des enfants zoréoles aux antipodes de ces deux racismes. Car c’est bien du racisme que d’attribuer un comportement précis à toute une ethnie.

C’est alors le rôle des médias, des journalistes et dans la mesure du possible de l’Ecole de montrer cette image de modernité et de mixité réussie.

Néanmoins pour enrayer ce racisme, il faut également voir les mauvaises pratiques en face et oser les affronter. Faire cesser les discriminations contre les créoles dans le recrutement, éduquer cette partie de la population créole qui continue de contester les lois françaises et in fine les Droits de l’Homme pour justifier les violences faites aux femmes et aux enfants, faire en sorte que les ghettos ethniques disparaissent en harmonisant logements sociaux et privés et en facilitant l’accès à la propriété.

Mais également accélérer le développement économique de l’île, pour permettre enfin à tous de s’en sortir par le plein emploi et la meilleure solidarité institutionnelle induite (économies sociales sur les demandeurs d’emploi redistribuées aux inactifs comme les retraités).

La liste des problèmes à régler est longue, mais voilà déjà quelques pistes d’action intéressantes. A nous de nous en emparer pour en finir avec ce racisme indigne de notre belle île de la Réunion.